À l’heure où beaucoup de photographies sont créées pour nourrir un algorithme, je me suis demandé pourquoi je créais des images. Ce questionnement n’est pas nouveau, je m’interroge régulièrement sur ma pratique, j’essaye parfois de cadrer cette pratique, parfois je cherche à l’orienter, mais toujours cette question : pourquoi je fais des photos ?
Je ne sais pas trop où je vais avec la rédaction de cet article donc je ne t’en voudrais pas si tu décides de ne pas aller plus loin. Je crois que j’ai juste besoin de mettre des mots sur mes pensées actuelles et y trouver des réponses. J’avoue que l’écoute de ce podcast sur le travail d’Arnaud Montagard m’a ouvert les yeux sur pas mal de choses. Je crois que la première chose que j’ai faite après cette écoute, c’était ce reset sur mon compte Instagram. Voilà 15 ans que je pratique la photo, environ 10 ans que je suis sur Instagram et que j’y poste des images.
En 15 ans de pratique, je suis arrivé à une certaine maturité, je ne me considère comme expert de rien, mais je pense avoir suffisamment d’expérience et de recul pour parler photographie. On a beau tout le temps apprendre, il arrive toujours un moment où nos bases sont solides, je pense les avoir. J’ai commencé à me passionner pour ce médium en 2006, après un accident de kitesurf. Je voulais juste un prétexte pour continuer d’aller à la plage et partager les sessions avec les potes. C’est comme ça que je me suis retrouvé à documenter les sessions des potes. Cette occupation est devenue une passion et ma soif d’apprendre m’a amené à tester un paquet de techniques et pratique pour comprendre la photographie. Depuis, mon style a évolué et continue d’évoluer, une série ou un projet amène à un autre… Et me voilà avec 15 ans d’archives.
Récemment, je discutais avec mon ami Yves de notre amour commun pour l’Islande, nos envies d’y retourner, puis nous avons abordé le cas Bieber et Instagram et toute cette tendance qui est littéralement en train de détruire ce pays. Même si j’ai une folle envie d’y retourner, je ne crois pas que ce soit raisonnable et éthique d’y remettre les pieds pour l’instant.
« Ce qui se passe n’est plus supportable, ce n’est pas viable et ce qui en résultera ne vous plaira probablement pas »
Les réseaux sociaux ont totalement cassé le monde de la photographie. On ne parle plus de photographes, mais de créateurs de contenus, d’influenceurs. Je ne vise personne en particulier, mais aujourd’hui, avec n’importe quel bon smartphone, nous pouvons faire de belles images, très souvent calquées sur une photographie qui a eu du succès sur Instagram. N’allez pas croire que je critique sans accepter ma part de tort. J’ai moi-même subi cette influence des réseaux sociaux, ce dictat de l’algorithme malgré moi.
Je pense avoir tiré un trait sur ce passé depuis que j’ai fait mon blocage créatif, mais pour autant, je n’ai toujours pas répondu à cette question : pourquoi je fais des photos ? Et cette question, je me la pose depuis ce reset. Pourquoi est-ce que je stocke toutes ces images année après année ? Pourquoi je décide de déclencher à tel moment et pas un autre ? Que faire de toutes ces images si on ne les met pas sur Instagram ?
Pour commencer, je n’ai pas attendu qu’Instagram n’existe pour partager et montrer mes images. J’ai d’ailleurs créé mon premier site web pour partager mes images de sessions de kite. Puis, j’ai monté un blog pour raconter mes péripéties, partager des récits photo, bref, raconter les histoires autour des images que je réalise. Donc ça, j’en suis sûr, je ne fais pas des photos pour les partager sur les réseaux sociaux. Je les poste là, car c’est vraisemblablement le meilleur outil qui existe à l’heure actuelle pour agrandir son audience et connecter avec du monde. Je n’hésiterai pas une seule seconde à changer de stratégie si j’en trouve une meilleure.
Quand je pars en voyage, je fais de la photo de touriste, pour moi, pour ma famille, pour les souvenirs. Pour reprendre l’exemple de l’Islande, même si j’y suis allé avant cette déferlante de touristes, je suis resté dans les clous, j’ai fait des images que tout le monde fait. Si je devais y retourner un jour, je crois que cette fois, je prendrais le parti pris de documenter un sujet en particulier, monter une série sur un domaine précis et sortir de la photo de touristes. Faire de la photo de touriste est tout ce qu’il y a de plus légitime et je pense que j’en ferais toujours, mais disons que si je dois retourner à un endroit, j’aimerai profiter de l’occasion pour créer des images qui racontent quelque chose. Je suis attiré par les sujets passionnants et photographier tout ça, c’est documenter une partie de ces passions.
Que ce soit finalement en photo ou en vidéo, peu importe, dès que je croise un sujet passionnant, j’ai très souvent envie de m’y immerger pour immortaliser une tranche de cette passion. J’ai de la chance, car je travaille actuellement à réaliser ce genre de projet qui renforce mes convictions et envies. Malheureusement, entre ce projet chronophage et ce contexte sanitaire, j’ai du mal à me projeter et à trouver du potentiel créatif dans mon quotidien, mes rencontres et partages en local. Pourtant, ce ne sont pas les sujets qui manquent. Mais à quoi bon créer une jolie image de son quotidien si elle est vide de sens ? C’est souvent là que l’on parle de série, de l’art de faire fonctionner plusieurs images ensemble. Et ça, je crois que je m’en rends compte seulement maintenant. J’avais beau le savoir sur l’aspect théorique, mais la pandémie du COVID aura mis un stop brutal à toutes mes rêveries lointaines et j’ai pris cette réalité en pleine face. J’admire des photographes comme Sebastien Zanella qui arrivent à trouver de la poésie et de la beauté dans le quotidien. Je recommande également cette vidéo de Jonathan Bertin qui revient sur son coup de mou créatif, c’est super intéressant.
Je crois que cet article thérapeutique m’apporte enfin des réponses. Je fais des photos (ou des vidéos) parce que j’aime ça, j’aime essayer de capter et documenter certaines choses. J’aime me mettre à l’eau avec un caisson étanche et essayer d’en sortir les plus belles images comme je pourrais documenter en film ou série l’univers d’un crew de bodyboarders amateurs de vagues de reef. J’aime photographier comme un touriste, un papa, mais aussi avec l’œil d’un artiste (sans prétention aucune) qui cherche à améliorer son style. C’est en partie la raison pour laquelle je me remets aussi à la photographie argentique, pour prendre un peu de recul et mieux réfléchir à ce que je veux créer.
En fait, mon seul problème n’est pas pourquoi je fais des photos, mais plutôt, qu’est-ce que je dois en faire pour les faire vivre ? Car c’est bien ça le but de la photographie, c’est de faire vivre ses images… J’ai bien des idées et je pense que 2021 sera un tournant dans cette pratique.
Tu es toujours là ? Tu as tenu le choc ? Eh bien bravo et merci de m’avoir lu 😌
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